Antick — l'espace des objets disparus ou en voie de l'être
Encriers
à l'école primaire
par Jean-Claude Raymond
Table des matières
L'Encrier
Petit godet de notre enfance
Tu avais une telle importance
A nos yeux, tendre compagnon
Tu étais là quand nous geignons.
Ton contenu était infâme
Oui, infâme et je le proclame
Cette encre, plus souvent violette
Était pour nous un vrai casse-tête.
Le grand cauchemar était la plume
Qui salissait doigts et costume
Lorsqu’elle trempait un peu trop
Dans l’encre noire ou indigo.
Alors sur la page du cahier
Il y avait un vrai pâté
Qu’il fallait immédiatement
Éponger au buvard savant.
Car ce buvard indispensable
Était là, tout près, sur la table
Ou bien encore sous notre main
Pour palier à tous les pépins.
Rendons hommage à l’encrier
D’autrefois, des tendres années
Souvent en porcelaine blanche
Ou en verre, couleur pervenche.
Fernande Germain
Nous sommes en plein hiver dans les
années 60 sous un ciel gris, les enfants couverts de leurs
manteaux jouent dans la cour goudronnée juste avant que la
sonnette électrique retentisse pour marquer
l’entrée en classe. Les élèves comme par
magie se mettent en rang et se calment. L’instituteur fait signe
d’entrer, on entend le bruit des chaussures sur le vieux parquet
ciré qui comme à chaque fois craque. Malgré la
température peu élevée du couloir, tous
enlèvent leurs manteaux et l’accrochent à la
série de portemanteaux.
Dans
la classe la température n’est guère plus
élevée. Les élèves entrent un par un et
prennent leurs places respectives. L’odeur du poêle
à charbon devient banale pendant que le dernier ferme la porte.
L’instituteur a mis sa grande blouse noire puis se dirige vers le
poêle gris, il active le feu. Sans attendre, les enfants ont
sorti de leurs cartables leurs trousses ou leurs plumiers et de
là leurs porte-plume qu’ils ont posés dans la
rainure prévue à cet effet sur leur table. Le tableau
noir est encore propre, il n’y a que la date du jour
soulignée d’un trait. L’écriture à la
craie blanche est toute fraîche. Elle est ronde, avec des pleins
et des déliés comme écrite à la plume. Sur
le bureau du maître, on peut voir sa serviette encore ouverte
quelques feuilles de papier en ont été extraites. Sa
trousse empêche de voir le reste. Dehors, par la grande
fenêtre de gauche encore embuée partiellement, il est
possible d’apercevoir le concierge traversant la cour en
diagonale avec un seau de cendre à la main. Après avoir
réglé quelques demandes de fournitures tels que buvards
ou plumes, l’instituteur monte sur son estrade, la journée
d’enseignement va commencer. Dans la classe, du côté
droit, sont accrochées au mur les diverses grandes cartes de
France et du monde, à gauche en biais, un tableau mobile vert
où rien n'a été inscrit.
Un élève déchire le silence de la classe :
- « M’sieur ! L’encre est gelée ! »
C’est
alors que tous constatent la même chose. Certains se
réjouissent, par avance, espérant que la dictée
n’aurait pas lieu.
« Venez mettre vos encriers
près du poêle, l’encre se dégèlera
» rétorqua le maître. Dans un bruit de pas non
cadencés, tout le monde dépose cet ustensile
utilisé par plusieurs générations
d’écoliers. L’instituteur comme à son
habitude debout, calé contre son bureau, prend une petite
feuille blanche et cartonnée puis lit un texte pour nous amener
à une réflexion sur un sujet de morale comme nous en
avions l’habitude chaque lundi matin. Pendant ce temps,
l’encre est redevenue liquide au bon moment pour faire la
dictée. Le poêle vient de mettre fin à tout espoir
de flemmardise.
Les visages des
élèves sont maintenant tendus s’appliquant au
mieux. On entend le bruit si caractéristique des plumes sur le
papier. Une fois la dictée terminée, c’est la
sonnette qui redonne le sourire à tous les visages des enfants
qui vont aller en récréation.
Mon
porte-plume a suivi tout mon parcours dans les classes du primaire.
Dans ma tête d’enfant, je ne pouvais pas deviner alors que,
bien des années plus tard, je neme servirais plus d’une
plume, ni d’un stylo à bille mais d’un ordinateur
pour relater ce fait qui pour moi s’inscrit dans une
époque pas si lointaine mais déjà révolue.
Que de chemin parcouru me semble-t-il en si peu de temps !
Jean-François Raymond
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Dernière modification : 2010-02-15 - 16:59:10
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